Vassilis Alexakis, le plus français des écrivains grecs
Vincennes fête l’Europe et cette année c’est la Grèce qui est à l’honneur : l’occasion de rendre hommage à Vassilis Alexakis (1943-2021), le plus français des écrivains grecs, en tout cas le plus francophile. Auteur d'une importante œuvre romanesque, il écrit aussi bien en français qu’en grec, sa langue maternelle. À l'âge de 17 ans, titulaire d’une bourse, il arrive à Lille pour étudier le journalisme. Après 3 années d’études, il retourne en Grèce pour effectuer son service militaire mais revient s’installer à Paris en 1968 après le coup d’état militaire des colonels menés par Georgios Papadopoulos.
Des débuts comme journaliste et dessinateur
Il travaille tout d’abord pour Le Monde des livres durant quinze ans. Il devient ensuite dessinateur humoristique puis journaliste, au journal Le Monde, ou pour La Croix. Il écrit à cette époque également des pièces radiophoniques. Il participe aussi à l’émission « Les papous dans la tête » sur France Culture.
Alexakis commence à écrire dès 1974 mais se fait remarquer avec ses romans : La Tête du Chat (1978), Talgo (1983) et Paris-Athènes (1989). La consécration vient avec le prix Médicis (1995) pour La Langue maternelle, puis avec le Grand prix du roman de l'Académie Française (2007) pour Ap. J.-C. En 2012 il obtient le prix de la langue française pour l'ensemble de son œuvre, et en Grèce le Grand Prix national du roman en 2017.
Un écrivain à la double culture
Toute son œuvre est marquée, à l’instar de son roman le plus connu, La Langue maternelle, par sa double culture. Son ton toujours ironique et malicieux parle toujours de l’intime mais aussi de l’universel. Très à l’aise pour écrire dans les deux langues, il déclara à ce sujet :
« Il y a d'abord eu la période française. J'ai écrit en français les trois premiers romans, où le contact avec la langue est encore relativement distant. Il m'est plus facile de faire de l'humour en français, du coup ce sont des livres plus légers. Il y a, ensuite, un virage avec Talgo, le premier livre écrit en grec, où je fais la preuve que ma manière d'écrire reste la même en passant d'une langue à l'autre, que je ne trahis aucune des deux langues et qu'aucune ne me trahit ».
Attaché à l'universalisme de la France
Bien que souvent qualifié comme un écrivain franco-grec, Vassilis Alexakis n’a jamais entrepris de démarche pour obtenir la nationalité française. Il se considérait avant tout comme un « écrivain grec francophone ». Très attaché à la France, c’est surtout la dimension universelle de sa culture qui l’a toujours fasciné :
« L'identité française est le produit d'un dialogue avec le monde qui a commencé il y a bien longtemps, bien avant la naissance de la France et qui est aussi ancien que le mot dialogue lui-même. L'attachement que j'ai pu avoir pour ce pays quand j'étais adolescent était dû en partie à des étrangers, ou tout au moins à des Français d'origine étrangère, à Van Gogh et à Salvador Dali, à Kopa et à Piantoni, à Beckett et à Ionesco. [...] Dans un pays où le tiers de la population est issu de l'immigration, faire obstacle à l'arrivée de nouveaux étrangers est une façon de mettre en péril plutôt que de sauvegarder l'identité française ».
Un écrivain à découvrir ou à redécouvrir, qui vous fera aimer la Grèce d’hier et d’aujourd’hui mais également ce pays qu’il aimait tant, la France. Un écrivain européen avant tout, pour qui la culture n’a qu’une frontière, celle de l’imagination.
Benjamin, mai 2024